Tendrara est un village de l’Est marocain qui connut laprospérité grâce à la culture de la truffe et de l’Alfa, herbe servant dematériau à la fabrication de papiers de grande qualité.
Mais ladésertification et le dérèglement clima- tique ont causé la ruine du village etde ses habitants.
Yzza Slaoui, jeune photographe marocaine engagéepour le développement de Tendrara, a remué ciel et terre pour financer qui unepompe à eau, qui une salle de classe… C’est sur la route y menant qu’elle estdécédée il y a trois ans.
Elle nous laisse un travail sensible danslequel on perçoit la construction d’un regard empli de douceur et debienveillance. Sans sensationnalisme, elle nous invite chez les villageois etnous déambulons avec eux à leur rythme ; à la boulangerie, pendant l’Aïd, ausouk, pendant une tempête de sable…
Dès les premièrespages du livre, un paysage
désertique aride, quelques bergers,
un âne, un campement, une famille
baignant un cheval. Leshumains ne sont
pas seuls ici. Puis Yzza nous prend
parla main pour rentrer dans la ville
puis dans les maisons. J’imagineYzza aller
à la rencontre de ces espaces et de ces gens
de la même manière. Son style est calme,
son regard posé,accompagnée de son
appareil photo moyen format et de sacellule
manuelle. Les tons et les couleurs de sa
pellicule sont doux, presque atténués.
Extrait du texted’Anastasia Taylor-Lind
Sur les hauts plateauxsemi-désertiques de la région de Tigri, au sud de Tendrara, quelques nomadesrésistent encore. Les plus riches d’entre eux ne possèdent plus que quelquesdizaines de bêtes ; de maigres troupeaux de
moutons et de chèvresqui se traînent le long de routes en mauvais état, vers les rares hassi, lespuits où s’abreuver.
Le pâturage a disparu, les troupeaux ne peuventplus vivre de ce qu’ils trouvaient sur le parcours et les éleveurs sontcontraints d’acheter le aâlf, le fourrage pour les nourrir. L’orge se paie auprix fort. Ils s’endettent
pour que leurs bêtes survivent. Ilscomptent les saisons qu’il leur reste avant d’être obligés de s’établir enville. Les terres se craquellent.
La sécheresse a eu raison de lavie en communauté qui animait, jusqu’il y a encore quelques années, les plateauxde Dahra, avec des douars de nomades constitués le temps d’un rassemblement. Onn’en voit aujourd’hui
presque plus. Le tissage a quasiment disparu àcause de la pénurie de laine.
L’aridité a aussi eu raison desanimaux qui peuplaient Dahra : oiseaux, lévriers, gazelles de l’Oriental. De AïnBeni Mathar à Traride, petite agglomération disséminée non loin de Tendrara,c’est une succession de terres
stériles, là où les anciens sesouviennent d’une région belle et verdoyante, avec une faune et une flore riche.Il y neigeait en hiver et à la belle saison, pendant trois mois, on cueillait latruffe blanche.
Seuls, sans aide aucune, les nomades subissent lesconséquences du réchauffement climatique. Les tentes se rapprochent de Tendrara.S’installer non loin de la route permet de s’établir non loin d’un hassi et desubvenir aux besoins en eau de la
famille et de ce qui reste dutroupeau.
Jonchée d’épaves de citernes, de carrioles et de camionsabandonnés, la route qui était jadis celle du nomadisme n’est plus que celle del’exil, de la déchéance et de la misère, dans cette région où la pauvreté estl’une des
plus dures du pays. « Les gens ici acceptent de vivre avecpeu, mais même ce peu leur est refusé », résume Abderrahmane, ancien nomadeinstallé depuis plus de
trente ans à Traride. À l’intérieur de samaison, il a gardé une tente dressée où il lui arrive de manger et de passer lanuit. Un nomade reste nomade dans l’âme.
Extrait dutexte de Kenza Sefrioui et Hicham Houdaïfa
Pages
160
Langue
Français
Date d'édition
avril 2025
Taille
23 x 28 cm
Éditeur
Editions De Juillet
Poids
500 gr