Pour ce quatrième opus, les auteurs et architectes Christelle Lecoeur et Cyril Brulé mènent leur enquête sur l’histoire d’une villa située à quelques pas de l’estuaire de la Gironde, sur la commune des Mathes, près de Royan, la villa « Le Sextant ». Elle est l’un des quatre projets menés par Le Corbusier dans l’Ouest de la France : une de ses premières oeuvres méconnues, le château d’eau de Podensac, puis les lotissements ouvriers de Lège-Cap ferret (1927) et de Pessac (19) tous en Gironde, édifiés pour Henri Frugès, industriel du sucre. La carrière de Le Corbusier dans les années 1930 est souvent symbolisée par la villa Savoye, son chef-d’oeuvre immaculé, aux murs lisses juché sur des pilotis, dans une prairie de Poissy, accomplissement d’une vision platonicienne de la nature. Or, au tournant des années 1930, un Le Corbusier moins « puriste », moins rigoriste, plus attentif aux matériaux naturels, émerge , cette mue étant favorisée par une réduction des commandes de prestige, ce qui va obliger l’architecte à répondre à des programmes moins ambitieux, pour une clientèle adepte de la vie au grand air, telle que la famille Peyron, qui lui commande sa résidence des Mathes. Le Corbusier réalise cette maison pour Albin Peyron, son épouse et leurs trois enfants. Le commanditaire est le fils d’un officier de l’Armée du Salut, également prénommé Albin, dont Le Corbusier réalise l’édifice à Paris – la Cité du Refuge. Avec son épouse Blanche, ils sont tous deux figures engagées de l’action sociale, créateurs, notamment, des « soupes de minuit » offertes aux sans- logis. Construite en 1935, leur maison de vacances est une des premières villas de La Palmyre, faisant partie de la poignée de résidences qui sont édifiées le long d’un chemin environné par du sable, conduisant à la plage. Sa conception suit le principe du « plan libre». Les façades, en moellons apparents, ne sont plus destinées à supporter les planchers (qui reposent sur des poteaux), mais entièrement conçues pour gérer les apports de lumière et les vues (vers l’ouest et la mer), disposant librement les pleins et les vides. Une grande partie de la villa consiste en des espaces extérieurs (préaux, coursives qui desservent les pièces ne communiquant pas entre elles), témoignant d’un mode de vie estival très proche du camping, revendiqué par la famille. Les pièces, dont Le Corbusier a en grande partie conçu le mobilier, sont regroupées sur les côtés ouest et nord de la construction. Pour sa réalisation, l’architecte et son client feront appel à des entrepreneurs et des matériaux locaux , et du fait des contraintes budgétaires, Le Corbusier ne se rendra pas sur place, le client assurant le suivi du chantier. Dès 1936, année suivant la construction, la modeste villa fait l’objet d’une publication dans la revue d’architecture L’Architecture d’aujourd’hui. Peu après, elle est mentionnée dans l’Encyclopédie de l’architecture. Constructions modernes. Ces publications montrent que, malgré des moyens très restreints, Le Corbusier a su concevoir une oeuvre conforme à ses principes architecturaux novateurs, et qu’il souhaite la diffuser. Elle connaît ensuite un destin articulé à celui de la région, meurtrie par la Seconde Guerre mondiale avant de renaître de ses cendres dans le cadre de la Reconstruction, en grande partie grâce à son architecte.
Pages
160
Language
French
Publishing date
August 2024
Size
17 x 24 cm
Editor
Bernard Chauveau
Weight
505 gr